En fait, j’ai envie de vous donner à lire quelques lignes de son Apologie.
L’adresse définit le ton de l’œuvre, révèle le caractère franc et direct de Justin et dit aussi - il faut bien le reconnaître - sa naïveté. Il écrit : “À l’empereur Titus Aelius Hadrien Antonin le Pieux, Auguste, César, et à Verissimus, César, fils d’Auguste, philosophe, et à Lucius, philosophe, fils de César selon la nature, et d’Antonin le Pieux par l‘adoption, amoureux de la culture, au sacré sénat et à tout le peuple romain, en faveur des hommes de toute origine, injustement haïs et persécutés, moi ,l’un d’eux, Justin, fils de Priscus, petit-fils de Baccheios, originaires de Flavia Neapolis, cité de Syrie-Palestine, j’adresse ce discours et cette pétition.”
Il déroule les titres impériaux, ceux d’Antonin le Pieux et du futur Marc Aurèle, mais aussi ses titres à lui : “fils de Priscus, petit-fils de Bacchéios”, et péremptoirement, il “discurse” et pétitionne : “j’adresse ce discours et cette pétition !”
Au bas de cette même première page, il écrit : “Nous demandons que l’on examine les accusations portées contre nous et, si l’on démontre qu’il en est bien ainsi, que l’on nous punisse, comme de juste ; mais si nul ne peut nous convaincre de quelque crime que ce soit, la droite raison interdit de faire tort à des innocents sur de méchantes rumeurs, ou plutôt de vous faire tort à vous-mêmes, si vous trouvez bon d’expédier les affaires au mépris de la justice, au gré de la passion.”
On se demande comment le tout puissant Antonin, aussi paisible que pieux, a reçu une telle semonce ! Car, pour une mise en demeure, c’est une mise en demeure : ou bien l’empereur innocente les chrétiens ou bien il ne fait qu’ “expédier les affaires au mépris de la justice et au gré de la passion !”
Mais peu nous importe la susceptibilité impériale. Car, Justin-à-la-langue-sans-détour nous a transmis, avec la même vivacité et la même spontanéité, des renseignements fort intéressants que d’autres nous ont cachés. Je parle, bien sûr, du “tableau” qu’il dresse du rassemblement dominical des chrétiens, du baptême et de l’eucharistie.
En voici un passage : “Quant à nous, après avoir ainsi conduit au bain celui qui a embrassé la foi et a marqué son assentiment à notre doctrine, nous le menons chez ceux que nous appelons ‘frères’, au lieu où ils sont assemblés ; nous récitons avec ferveur des prières communes pour nous-mêmes, pour celui qui a été “illuminé”, et pour tous les autres, où qu’ils se trouvent, afin qu’après avoir connu la vérité, nous méritions aussi, par nos actions, d’être reconnus comme gens de bonne conduite et bons observateurs des commandements, afin de parvenir ainsi au salut éternel.”
Il faudrait commenter ce passage, insister sur le fait que le lieu du baptême n’est pas le lieu de l’eucharistie, que l’on est conduit du lieu du baptême au lieu du rassemblement eucharistique, et que, là, se fait la prière des “fidèles”, de ceux qui ont reçu l’“illumination” ... Mais, un page d’Alléluia ne fait pas un livre !
Ainsi, si vous n’avez pas la possibilité de suivre un cours sur Justin ou d’entendre la radio à son sujet, du moins, achetez et lisez l’Apologie … Certaines pages, trop liées au contexte antique, vous surprendront, mais combien de perles à trouver et qui nourriront votre réflexion pour aujourd’hui !
Père Régis Doumas
Curé d’Orange