Nous avons peur que Dieu s’approche trop de nous parce que nous sentons plus ou moins confusément que la sainteté de Dieu ne peut rien avoir à faire avec nous. Nous avons donc comme une réaction de retrait, de prudence. (...)
Nous savons bien que Dieu qui est un Dieu de justice ne veut pas nous réduire au péché. Dieu Créateur ne peut pas se contenter que nous soyons des pécheurs. Malgré tout, II veut faire affaire avec nous. (…) Souvent, nous ne comprenons pas que Dieu vient à nos secours. C’est pourquoi nous nous retirons avec crainte, avec peur. Il y a, vous le savez, une bonne crainte de Dieu qui est un don du Saint-Esprit. Parfois, lorsque Dieu s’approche trop de nous, nous sommes inquiets de ce qu’il pourrait nous demander, de ce vers quoi II pourrait nous conduire. Ainsi voit-on des gens désirer beaucoup que Dieu s’approche d’eux mais lorsqu’il vient enfin et leur demande de devenir prêtres ou religieuses ou religieux ou même diacres, de prendre une décision qui les engage vraiment, alors ils se sentent mal et s’enfuient en courant. Dieu ne veut pas les obliger.
Dieu nous poursuit de sa bonté, (...) c’est pour son bien que le berger poursuit la brebis, c’est pour notre bien que Dieu s’approche de nous, pour que nous soyons vivants et libérés du péché. Dieu vient dans un premier temps pour arracher de nous le péché jusqu’à la racine si possible. ... Tout cela est exigeant. Seulement, il faut nous ouvrir dans la foi à cette action de Dieu. Nous distinguons mal qu’il vienne pour notre bien. Il s’approche de nous, pécheurs, parce qu’il est d’abord Miséricorde : non pas miséricordieux, mais Miséricorde (…). Le mouvement par lequel Dieu vient jusqu’à nous trouve son sommet en Jésus : Dieu lui-même présent parmi nous, Lui qui a pris notre chair, laissant les pécheurs devenir ses amis, venir jusqu’à Lui, Le voir et L’écouter, Le toucher, Le suivre. Dieu Lui-même apparaissant à ses disciples qui L’avaient renié ou trahi, qui L’ont abandonné, pour leur apporter la paix et d’abord le pardon.
Il vient jusqu’à nous, II s’approche de nous pour notre bien. C’est vraiment Dieu le Père qui, par son Fils, vient jusqu’à nous. Mieux encore, II nous lance un appel : « Venez à Moi, vous qui peinez sous le poids du fardeau, et Moi Je vous soulagerai, venez à Moi ! » II nous faut oser aller vers Lui...Non seulement Dieu s’approche de nous pour arracher de nos cœurs le péché mais II va plus loin encore en nous faisant entrer dans l’échange inimaginable entre le Père et le Fils dans l’amour, dans la charité qui est sa joie éternelle et sera notre vie, notre lumière, notre joie pour l’Éternité. C’est pourquoi, ici-bas, l’approche de Dieu dilate notre cœur : II doit le purifier, l’élargir, pour que cet amour-là puisse s’ancrer en nous malgré l’étroitesse de nos cœurs incapables d’aimer hors des limites de la sympathie naturelle, sauf à consentir de temps à autre un acte de charité envers quelqu’un.
Dès cette terre, nous sommes invités par Jésus à entrer dans le grand mystère de l’amour du Père pour le Fils et du Fils pour le Père dans l’unité de l’Esprit-Saint, Voilà pourquoi, frères et sœurs, l’approche de Dieu, de ce Dieu juste, est inquiétante pour nous. Nous la désirons et nous reculons tout ensemble. Il est bon que nous entendions l’appel du Seigneur Jésus : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous procurerai le repos ! »
La Miséricorde de Dieu s’exprime en Jésus, elle aboutit à faire découvrir à chacun de nous que nous sommes des petits et que nous devons consentir à cela. Nous ne sommes pas seulement tout petits devant le Dieu créateur, nous sommes des tout-petits devant Dieu le Père. Nous attendons, nous espérons, qu’il nous donne la vie, la sainteté et nous fasse accepter tout ce qu’il nous donne de vivre : les joies comme les peines, les succès comme les épreuves. Il y tant de personnes que nous devons apprendre à aimer d’un amour plus pur, plus large, plus profond, plus grand, non plus de notre amour humain, non plus avec notre sympathie humaine, mais d’un amour transfiguré par la venue en nous de l’amour même de Jésus. Nous sommes de pauvres pécheurs portés par Jésus présent dans l’Eucharistie... La miséricorde ne consiste pas à se résigner à notre péché mais à nous transporter dans la relation éternelle du Père et du Fils qui est la lumière de la Vérité.
Alors, frères et sœurs, (…) il nous faut demander au Seigneur, la grâce de consentir toujours mieux à ce qu’il s’approche de nous, de nos vies, de nos cœurs. Demandons la grâce d’être convaincus que, si Dieu vient à nous, c’est pour nous élargir ; ce n’est pas pour nous enfermer dans une condamnation, c’est pour faire de nous ses enfants. Dieu s’approche de nous et nous fait sentir notre petitesse. Nous sommes des tout-petits, et cela pour l’éternité, pour partager la joie que Jésus éprouve dans sa communion avec le Père. Que tous les saints du ciel nous accompagnent, eux qui goûtent déjà la joie de tous ces mystères et qui ont accepté de se laisser toucher par Dieu, qui ont cru jusqu’au bout que c’était pour leur bien, pour les sauver, pour les faire vivre, pour les rendre libres, que Dieu s’approchait d’eux comme II s’est approché d’Israël et comme Jésus s’approche de chacun dans l’Eucharistie où II vient volontairement se donner à nous . Amen
Homélie de Mgr Eric Moulin de Beaufort
le 5 octobre 2008
(70e anniversaire de la mort de Ste Faustine)
Extrait de la revue « Messager de la Miséricorde » n° 64