Est-il un saint plus populaire que François, sinon Antoine de Padoue de treize ans son cadet, et son disciple ? Peintres (Giotto, Sassetta, Maurice Denis), musicien (Olivier Messiaen), écrivains (Julien Green, Christian Bobin) se sont accordés à la suite des Fioretti pour célébrer les vertus du fondateur de l’un des grands ordres mendiants. De leur côté des médiévistes - tels que Paul Sabatier (pionnier protestant, dès 1893), Jacques Le Goff, Jacques Dalarun, Joël Schmidt, et surtout André Vauchez, auteur d’un “ François d’Assise ” publié cette année, pour ne citer que des historiens français - s’efforcent de situer en son temps de la manière la plus authentique possible la vie du saint.
Figure originale et attachante, le Poverello, originaire d’une famille de riches marchands, après une jeunesse quelque peu agitée, renonça à toute vie mondaine pour s‘adonner à la pénitence, à la pauvreté et à la prédication tout en demeurant un laïc ; sa spiritualité reposait essentiellement sur la parole de Dieu présente dans la Bible et l’Eucharistie, les deux principaux signes de sa présence en ce monde ; des compagnons, issus généralement de milieux modestes, étaient venus rejoindre François pour partager une vie de pauvreté, sans qu’il fût toutefois décidé à l’origine s’il leur fallait tirer leur subsistance du travail ou de la mendicité ; la fraternité fut approuvée par le pape et soutenue par le cardinal Ugolino qui devait devenir le pape Grégoire IX, mais parfois non sans quelques difficultés tant ce mode de vie - mener une vie religieuse sans quitter le monde et surtout sans posséder de biens fixes ou de revenus - était une innovation en contradiction avec les normes canoniques en vigueur, et l’arrivée de nouveaux frères plus instruits incitait l‘Eglise à envisager une structure plus traditionnelle. François abandonna alors la direction de sa communauté. Dans la voie mystique qu’ il s’était choisie — action de grâces envers Dieu pour toutes ses créatures sans subordination des unes aux autres - il vécut un véritable drame à la fin de sa vie : “ Comment préserver l’idéal franciscain originel qui était possible à quelques-uns mais qui ne l‘était plus quand des milliers de disciples s’étaient mis à sa suite ? ” (J.Dalarun). Les frères se partagèrent par la suite en partisans d’une observance mitigée de la règle, soumis au pape (les conventuels), et ceux d’une observance stricte qui allait parfois jusqu’à l’extravagance (les spirituels et les fraticelles) ; ces derniers furent condamnés en 1317 par Jean XXII.
François avait aimé passionnément la paix ; il s’était rendu en Egypte non pas pour soutenir la croisade mais pour y rencontrer le sultan avec qui il eut une entrevue relativement pacifique semble-t-il ; il aurait ainsi été le premier saint à tenter une approche avec les musulmans. De nos jours la rencontre inter-religieuse voulue par Jean-Paul II le 27 octobre I986 et dont Benoît XVI a célébré l’anniversaire, a confirmé Assise comme centre de fraternité universelle. Témoignent aujourd’hui à Avignon du charisme de François, “ vivre de façon humble et pauvre ”, les Franciscains du couvent de la rue d’Annanelle, les Franciscaines de la rue du Portail Magnanen et les Clarisses de la Verdière..
“ François n’a été ni le seul véritable chrétien que l’histoire ait connu ni même peut-être le plus parfait. Mais il n’a pas cessé depuis le XIIIe siècle d’exercer une réelle fascination sur les esprits et constitue encore aujourd’hui une figure à laquelle les individus et les sociétés gagnent à se confronter pour trouver auprès d’elles, selon la parole évangélique, nova et vetera, des vérités anciennes et des idées neuves ” (André Vauchez).
Michel et Anne-Marie HAYEZ