Episode majeur de l’histoire du Salut, l’Annonce à Marie a naturellement sa place dans les cycles consacrés à la vie du Christ comme à celle de la Vierge. Les représentations autonomes de la scène sont encore plus nombreuses, et couvrent toute la chronologie de l’art chrétien, jusqu’à nos jours. Bien plus, la manière de figurer cette scène, directement inspirée de l’Evangile de Luc (1,26-38) n’a que très peu évolué au cours des siècles. L’ange Gabriel s’adresse à la Vierge agenouillée à son prie-Dieu, au dessus d’eux plane la colombe de l’Esprit Saint. L’image des deux protagonistes, tournés l’un vers l’autre, était si familière, que l’on pouvait se permettre d’instaurer une certaine distance entre eux ; ainsi voit-on souvent Marie et Gabriel occuper des emplacements symétriques mais distincts, par exemple les cuspides d’un triptyque, l’extérieur des volets d’un retable ou des portes d’un orgue, les écoinçons de l’arc séparant la nef du chœur d’une église. L’œil du fidèle effectuait spontanément le rapprochement.
Cette abondance et cette codification de l’image correspondent à l’importance du sens qui lui est accordé : au moment même de la salutation angélique, l’Esprit Saint descend sur la Vierge, et l’Enfant est conçu en son sein. Le thème iconographique de l’Annonciation donne à voir le Mystère de l’Incarnation, l’un des fondements de la foi chrétienne. L’alliance de Dieu avec l’humanité va passer par l’incarnation de son Fils, le Verbe va prendre chair.
Interrompue dans sa lecture de la Parole (le livre ouvert est présent dans toutes les représentations), Marie reçoit de la bouche du messager de Dieu cette annonce extraordinaire ; yeux baissés, main sur le cœur, sa retenue marque son acceptation confiante : Fiat, répond-elle à l’ange.
Les images donnent à ce dialogue un cadre, qui évoque la chambre de la Vierge. “L’ange entra chez elle” dit Luc. Selon le style de l’artiste, ou selon les époques, la pièce et son mobilier sont minutieusement décrits, ou au contraire évoqués par un lutrin, un lit, une tenture ; toujours s’impose l’idée de l’intimité, pour signifier que toute relation personnelle avec le Seigneur se passe dans le secret de la chambre, dans le secret de l’âme.
Souvent entre les deux personnages est placé un vase de lys. Emblème de la pureté et de la chasteté, cette fleur montre également le choix de Dieu : “Tel le lys parmi les épines, ainsi ma bien-aimée parmi les jeunes filles” (Cantique des cantiques, 2,2).
D’autres références bibliques peuvent apparaître dans certaines représentations de l’Annonciation, intégrées sous forme de relief ou de statuette à l’architecture qui abrite les personnages, ou bien placées dans une échappée du paysage : ainsi d’Isaïe, en mémoire de sa prophétie (7,14) sur l’enfantement d’un fils que l’on nommera Emmanuel ; ou du sacrifice d’Abraham, pour évoquer le fils unique offert mais épargné, tandis que Dieu offrira lui-même son Fils unique en sacrifice ; ou encore d’Adam et Eve chassés du Paradis, Marie étant la nouvelle Eve par l’entremise de qui les péchés seront rachetés.
Pour l’essentiel, les images de l’Annonciation, avec leurs gestes suspendus, avec leur expression d’une grande intériorité, incitent celui qui les regarde au silence : le silence que s’imposera Marie, elle qui gardera en son cœur tous les événements vécus, le silence de la méditation qui précède et permet la louange.
Marie-Claude LEONELLI
Conservateur départemental des antiquités et objets d’art de Vaucluse.