Par un don spécial de l'Esprit-Saint transmis à l'Ordination, le prêtre est configuré au Christ et reçoit le pouvoir d'agir par la puissance du Christ Lui-même pour sanctifier, enseigner et conduire les âmes. Vis-à-vis du Peuple de Dieu, le prêtre est signe de la présence et de l'action du Christ Chef et du côté de Dieu, le prêtre est l'instrument du Christ qui édifie son Corps ecclésial. Autrement dit, si le prêtre est signe et instrument de l'action du Christ dans son Église, alors le prêtre est le sacrement vivant du Christ Tête, Pasteur et Époux de l'Église.
Le Christ comme fondement de toute sacramentalité
Au centre de la foi chrétienne, il y a le mystère de l'Incarnation : le Fils de Dieu s'est fait homme, sans cesser d’être Dieu, pour que l'homme devienne participant de la Vie divine. Jésus Christ est vrai Dieu et vrai homme, en Lui les deux natures sont unies, sans confusion ni changement et sans division ni séparation. Contemplant ce mystère de foi, notre intelligence cherche des comparaisons pour essayer de "comprendre". Dans cette perspective, en sachant bien la différence essentielle entre les deux réalités comparées, on peut utiliser l'analogie de l'union du corps et de l'âme pour avoir quelque lumière sur le mystère l'Incarnation. Comme le corps qui manifeste de façon sensible la présence agissante de l'âme invisible, de même, l'humanité du Christ manifeste sa divinité. Et comme le corps qui sert d'instrument d'action à l'âme, de même, l'humanité du Christ sert d'"instrument" à la Personne divine du Fils. Or, être "signe et instrument de l'union de Dieu avec l'homme", c'est précisément la définition d'un sacrement. On peut donc légitimement considérer la sainte humanité du Christ comme le sacrement de sa divinité. L'Incarnation du Fils de Dieu est le fondement de toute sacramentalité. La sacramentalité de l'Église (redécouverte à Vatican II) et des sept sacrements découle donc du Sacrement primordial qu'est le Christ en Lui-même. Le Christ glorieux nous communique sa grâce par contact avec sa sainte humanité prolongée dans le temps et étendue dans l'espace par l'Église et les sacrements.
Le prêtre, sacrement du Christ Prêtre
Si le Christ, en son humanité, est le Sacrement primordial, le prêtre son ministre est greffé sur Lui comme une humanité de surcroît pour Le prolonger dans l'espace et le temps. Comme le pinceau entre les mains du maître est l'instrument du génie de l'artiste pour réaliser son chef-d'œuvre, de même le prêtre est l'instrument, organe vivant et libre, du Sauveur qui édifie son Église. Cela est particulièrement manifeste dans la Consécration du Corps et du Sang du Christ à la messe : là, le prêtre ne parle pas en son nom propre mais il agit "in persona Christi". À ce moment de la Prière Eucharistique, le prêtre ne rapporte pas les paroles du Christ à la troisième personne, comme dans un récit, mais il parle au style direct, sur un ton intimatoire, au nom du Christ : "Ceci est Mon Corps... Ceci est Mon Sang". Toute l'identité du prêtre se concentre dans les paroles performatives de la Consécration et toute spiritualité sacerdotale en découle ! C'est le Christ glorieux qui est le premier et principal sujet de l'action et le prêtre son ministre agit de façon instrumentale, comme un organe du Christ. On voit bien ici l'humilité du serviteur qui doit représenter un autre que lui : le ministre ordonné est l'ambassadeur et la voix de son Maître. La configuration ontologique du prêtre au Christ Tête doit être complétée par une conformation morale de la vie du prêtre à la charité du Christ.
Prions pour la sainteté de nos prêtres ; qu'ils vivent pleinement leur identité de sacrements du Christ comme icônes vivantes et instruments dociles du Christ Tête, Pasteur et Époux de l'Église.
Abbé Laurent Milan