Dès le IVe siècle, on trouve une fresque la figurant dans les catacombes romaines de Saint Sébastien. Mais c’est surtout, et pour la même époque, dans la sculpture des sarcophages que le sujet se rencontre souvent. Nous citerons le sarcophage dogmatique de Saint-Paul-hors-les-Murs, ou encore le tombeau de marbre de Romania Celsa, au musée de l’Arles antique. On y voit l’enfant tout emmailloté qui repose dans une mangeoire sur pieds. Il y a l’âne et le bœuf, un berger tenant le pedum et les mages guidés par l’étoile. On trouve une chapelle dédiée à la Nativité du Seigneur dans la basilique romaine de Sainte-Marie-Majeure, et ce, dès le Ve siècle.
La piété médiévale s’attache très vite au réalisme de l’humanité du Christ et son humilité. Popularisant les pratiques religieuses des moines contemplatifs ou mendiants, l’art scénique lui-même le faisait revivre dans la représentation des Mystères de la sainte enfance du Seigneur. La prédication en faisait son thème privilégié, notamment saint Bernard. Et l’initiative de saint François d’Assise de faire célébrer la Messe dans une grotte en présence d’animaux véritables va contribuer à faire découvrir le sens profond et réaliste de Noël. Ce sont les fils spirituels du Poverello qui seront chargés, à partir de 1375, de garder les lieux saints de Palestine, dont celui de la Nativité. Tout le monde ne pouvait y aller. Aussi et sous leur influence, se mit-on à construire en d’autres endroits des chapelles imitant cette grotte ou des représentations figurées de Noël. La coutume se répandit en Provence par les franciscains qui étaient présents à Apt dès 1216, Arles en 1218, Montpellier et Aix en 1220, Nîmes, Draguignan et Gap en 1222, Brignoles, Riez et Nice en 1226, Avignon en 1227...
Mais plus encore, la Réforme Catholique Tridentine (1545-1566) amène un renouvellement de la première floraison des crèches avec, dans les pratiques de dévotion et la littérature spirituelle, une apogée de la dévotion à la nativité et l’enfance du Christ. En France cette dévotion atteint son sommet dans la première moitié du XVIIe s. avec la théologie mystique de l’Incarnation du mouvement de l’Ecole française.
Ce sont, en tous cas, l’Oratoire et Le Carmel qui ont présidé au devenir de la Crèche, établissant à cette époque un cycle de 40 jours qui commence le soir de Noël et se prolonge jusqu’au 2 février, fête de la Purification. Cette quarantaine de Noël s’enracinera profondément en Provence, avec toute une série de traditions propres, dont une certaine renaissance actuelle se doit de ne pas perdre les racines et la symbolique résolument évangélique.
C’est le 2 février, fête de la Chandeleur ou fête des Lumières, que prend place, éphémère mais chargée de pédagogie visuelle et de sens spirituel, “la crèche blanche”. La coutume veut que la crèche de Noël traditionnelle soit remplacée par l’illustration du passage de l’Ecriture qui relate la cérémonie juive, quarante jours après la naissance d’un garçon premier-né, où Jésus fut présenté à Dieu son Père, dans le Temple de Jérusalem. Il y est proclamé “Lumière des Nations” par le prophète Siméon. Les bases scripturaires en sont : Lévitique XII, 1-8. Exode XII, 2-11. St Luc, II, 22-33.
Pourquoi ce nom de “crèche blanche” ? La raison en est qu’on tendait des draps blancs pour masquer la crèche de Noël pas encore démontée ; ces draps servaient alors de fond à la reconstitution de la présentation du Seigneur au Temple, avec des personnages spécifiques ou des santons que l’on rhabillait spécialement pour la circonstance.
Tout ceci pour mieux évoquer “la Rédemption copieuse, abondante, surabondante, magnifique et excessive” (st François de Sales).
Abbé Daniel Bréhier
Curé de Carpentras.