Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été bercé dans mon enfance par ce cantique, sans doute pas très réussi musicalement, mais plein d’une piété vraie et forte. L’histoire nous raconte que c’est en réaction au jansénisme qui se moquait des pèlerinages vers les sanctuaires, que la piété populaire imagina de vénérer Marie pendant tout le « joli mois de mai ». J’aime cette foi populaire, au jugement sûr et solide, et qui s’est manifestée si souvent pour l’honneur de Marie (par exemple pour la déclarer vraiment Mère de Dieu ou Immaculée Conception).
Le bon peuple chrétien a compris depuis l’Antiquité que le chemin qui nous mène au Père est le même que celui qu’a emprunté son Fils unique en se faisant homme. Il est né de la Vierge Marie et, par elle, il est monté au Cieux et s’est assis à la droite du Père. Nous aussi, d’une certaine manière, nous devons emprunter le même chemin et passer par Marie. Saint Augustin osera même écrire que Marie, qui fut virginalement enceinte de Jésus pour le mettre véritablement au monde comme tous les enfants des hommes, est aussi Mère de l’Eglise, et à ce titre, qu’elle contient en quelque sorte tous les élus pour les enfanter au Monde Nouveau.
Ainsi la pratique du mois de Marie tire sa légitimité et sa force d’une exacte compréhension du plan du Salut voulu par Dieu. Nous sommes loin d’une dévotion romantique, sentimentale et doucereuse. Il ne s’agit pas de garder une tradition, mais de garder une fidélité. Qu’est-ce qu’un christianisme d’où Marie serait absente ? Un peu comme un mois de mai sans fête des mères…
Le mois de Marie est l’occasion d’admirer, de contempler, la beauté et la grâce que Dieu a déversées en sa servante. Dante écrivait jadis que « le visage de Marie est celui qui ressemble le plus au Christ » : son exemple, le plus facile à imiter par tous, est celui qui nous dispose le mieux à rejoindre Jésus.
La considération de sa sainteté, loin de nous éloigner de Dieu, nous rassure, nous apaise et nous équilibre, car Marie est la preuve vivante, non seulement de la toute-puissance de Dieu sur elle, mais plus encore de sa fidélité à réaliser en nous, sans doute à un moindre degré, ce qu’il a déjà fait en elle : être des fils et filles de Dieu. Saint Bernard a pu s’écrire que Marie était « toute la raison de son espérance » et qu’on n’en parlerait « jamais assez ! »
C’est donc bien vrai que le mois de Marie est le mois le plus beau ! Et en plus, il peut durer toute l’année et toute la vie, si nous sommes toujours avec Marie pour la regarder et savoir cela, que nous sommes ses fils et qu’elle est toujours là.
Père Gabriel Picard d’Estelan
Curé du Secteur St-Jean en Avignon