S’inscrire dans cette dynamique de remise en question du développement, c’est déjà prendre en compte les multiples acceptions que ce terme recouvre. Ce travail sera fait dans cette première année en interrogeant le sens du développement. Très vite, nous pouvons nous rendre compte qu’aux yeux de notre culture ambiante, très véhiculée par les différents médias, “développement” est synonyme de “développement économique”. Or, on ne peut envisager de développement économique que dans la mesure où, d’abord, il y a la visée du développement humain. L’Eglise parle de développement intégral, c’est-à-dire développement de tout l’homme – l’homme dans toutes ses dimensions – et de tous les hommes. Or il ne s’agit pas d’une simple dialectique qui chercherait à discréditer la notion même de développement économique, mais de remettre au centre la notion de développement de l’homme dans toutes ses dimensions et dans sa dignité.
Le développement économique, en effet, pousse toujours plus loin les limites, car apparemment sans limites, et doté des moyens techniques les plus performants. Le développement intégral de l’homme, lui, pose ses limites du fait même qu’il s’applique à l’homme, comme être humain limité dans sa chair, mais ouvert à l’espérance et à l’éternité. Le développement économique, quand il s’écarte de la route de l’homme, tend à produire plus d’effets néfastes que de belles réalisations. Force est de constater, hélas, qu’au baromètre des inégalités, nous atteignons des sommets qui témoignent qu’il ne fait pas forcément bon vivre ici ou là-bas, suivant le côté où l’on se trouve. Or, nous constatons qu’un développement qui ne se centre pas sur l’objectif majeur du bonheur de tous s’écarte de sa vocation d’être au service de tous les hommes, où qu’ils soient et quelle que soit leur histoire. Poser la question du développement, c’est donc poser le sens de l’homme et de sa dignité, c’est interroger nos pratiques qui génèrent plus de mal que de bien. C’est réaffirmer qu’au yeux du Père, nous sommes tous en fraternité et, qu’à ce titre, il y a scandale tant qu’un seul être humain manque de biens, matériels ou non matériels, pour vivre conformément à sa dignité de fils de Dieu.
Ainsi, poser la question du développement, c’est reposer les limites de ce développement, ressituer le cadre dans lequel il peut se déployer, pour un développement véritablement intégral. Les années qui viennent seront l’occasion d’avancer dans ce sens, dans le cadre du CCFD, certes, au sein de la collégialité des mouvements et services d’Eglise, sûrement, car ce sont des lieux privilégiés pour une telle remise en question et pour l’émergence d’actions concrètes qui ouvrent à plus de justice et de paix.
L’homme est un être qui se reçoit d’un Autre et ainsi se voit posée à lui-même sa propre limite. Le développement à tout prix, dans sa forme de “surdéveloppement”, a quelque chose de suicidaire : les questions actuelles sur le développement durable et le changement climatique posent en préambule de leur interpellation : qu’as-tu fait de ta Terre et de l’humanité qui y habite ?
Jean-Luc Cortial
Président du CCFD en Vaucluse.