[…] Le temps est venu où la transmission de la vision de l’homme que nous recevons de la foi ne peut plus être déléguée aux corps constitués, civils ou religieux. Elle est la tâche et la mission de chacun. Nos églises, toutes nos églises, seront ouvertes et vivront si nous les habitons de notre vie et de nos prières, si elles sont vraiment la maison où se rassemblent les chrétiens pour la rencontre de Dieu. C’est à chaque chrétien, à chaque groupe de chrétiens, de manifester son attachement à son église par l’usage qu’il en fait. De même, la haute idée que l’Évangile nous donne de la vocation et de l’avenir de l’homme sera prise en considération si, et seulement si, chaque membre de l’Église, selon son état et à la mesure de ses forces et de ses faiblesses, prend à cœur de mener une vie renouvelée par la foi. Ce n’est ni le gouvernement, ni les élus qui vont assumer la promotion d’une vision chrétienne de l’homme et témoigner de l’Évangile du Christ. C’est à nous, Église du Christ, que revient la mission de mettre en évidence la richesse de cet Évangile. […]
Cette conviction d’être dépositaires d’une vision de l’homme qui doit lui assurer une vie meilleure dès ici-bas ne nous pousse pas à ce que certains aiment à nommer un « repli identitaire », au contraire. L’écoute de la Parole de Dieu, que le récent synode nous invite à renouveler et à approfondir, ne nous détourne pas des préoccupations de nos contemporains. Elle nous pousse au contraire à être parmi eux les témoins d’une Parole que nous portons en tremblant et qui est plus que l’expression de nos opinions ou de notre vision du monde. Nous sommes nourris par la Parole de Dieu. A travers les faiblesses de notre témoignage, par la puissance de l’Esprit, c’est Dieu Lui-même qui s’adresse à l’homme d’aujourd’hui.
Si nous réfléchissons sur la visibilité de l’Église, ce n’est pas pour mettre au point une nouvelle méthode de marketing évangélique. Nous ne travaillons pas sur l’image de l’Église que nous voulons donner. Nous travaillons sur notre mission de rendre visibles la Promesse de Dieu et les fruits de la grâce à travers chacune de nos existences. La visibilité authentique de l’Église en ce monde, c’est la visibilité du corps ecclésial, de la vie de chacun de ses membres et de leur communion dans la foi vécue et célébrée ensemble. […]
Nous partageons ainsi la réflexion de Benoît XVI : “Quand les hommes se proclament propriétaires absolus d’eux-mêmes et uniques maîtres de la création, peuvent-ils vraiment construire une société où règnent la liberté, la justice et la paix ? N’arrive-t-il pas plutôt - comme nous le démontre amplement la chronique quotidienne - que s’étendent l’arbitraire du pouvoir, les intérêts égoïstes, l’injustice et l’exploitation, la violence dans chacune de ses expressions ? Le point d’arrivée, à la fin, est que l’homme se retrouve plus seul et la société plus divisée et confuse.”.
Ce message peut intéresser l’humanité dans la mesure où chacune de nos existences, conduite par la liberté et l’amour des enfants de Dieu, donne un signe lisible, visible, de la joie promise et donnée par Dieu. C’est notre engagement au service de la justice et de la paix, notre aptitude à faire face aux contraintes de l’existence, notre endurance dans l’adversité, notre confiance en l’humanité aimée et rachetée par Dieu, qui sont notre véritable dignité et qui peuvent devenir la dignité de tout homme. […]